La direction des affaires civiles et du sceau s’arrogerait-elle des droits qu’elle n’aurait pas ?
La question mérite clairement d’être posée alors que l'installation de nouveaux notaires devrait se poursuivre.
Libre installation des notaires : la colère gronde
En effet, bien plus que de la grogne, on entend la gronde des notaires ayant déposé une demande de nomination via une société commerciale : SELARL, SELAS, SARL, SAS, ou via le truchement d’une SPFPL, qui ne sera que détentrice de droits sociaux d’une structure notariale, bien entendu.
Mais d’où vient ce nouveau mécontentement ?
Non pas spécifiquement des futurs nouveaux notaires selon lesquels les notaires préexistants n’auraient pas dû participer à l’horodatage, mais de l’ensemble des personnes ayant déposé une demande de création d’office par l’intermédiaire d’une personne morale.
Pièces à fournir pour une demande de nomination dans un office à créer
Si l’on reprend l’arrêté du 16 septembre 2016 fixant les pièces à produire pour une demande de nomination, l’article 3 précise :
« La demande de nomination d’une société en qualité de titulaire d’un office créé est complétée, dans le délai mentionné au troisième alinéa de l’article 51 du décret du 5 juillet 1973, des pièces suivantes :
1° Une requête datée et signée, du mandataire de la société ou de celui des associés lorsque la société n’est pas encore constituée, sollicitant sa nomination par le garde des sceaux, ministre de la justice, en qualité de titulaire d’un office de notaire à créer. La requête mentionne la zone choisie et, au sein de celle-ci, la commune dans laquelle la société souhaite être nommée ;
2° Une demande émanant de chaque personne physique sollicitant sa nomination en qualité d’associé de ladite société, accompagnée des pièces prévues au chapitre Ier en fonction de leurs situations respectives ;
3° Les statuts de la société et la preuve de leur dépôt au greffe du tribunal de commerce ;
4° Lorsque le mandataire n’est pas le représentant légal de la société, la copie du mandat qui lui a été conféré ;
5° La preuve du dépôt des sommes constituant le capital social ;
6° La liste des associés et leur profession, ainsi que les documents justifiant du respect des conditions de détention du capital social et des droits de vote de la société ;
7° L’identité et la profession des représentants légaux et des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance de la société ;
8° Un document émanant d’un professionnel de l’assurance garantissant la couverture de la responsabilité civile professionnelle de la société demanderesse à compter de sa nomination ;
9° Le cas échéant et selon la forme de la société, les pièces justificatives listées par décret. »
Parmi les informations inscrites dans cet article, il n’est fait mention d’aucune condition particulière liée à la détention du capital et des droits de vote.
Horodatage des SEL de notaires : des conditions de détention du capital ?
En absence d’une telle information, il est par principe fait application de la loi n°90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales et, sauf à trouver au 13 place Vendôme une autre loi que celle publiée au JO, nulle part il n’est mentionné dans ce texte une incompatibilité entre les conditions de détention du capital et des droits de vote avec l’indépendance dont le futur notaire doit faire preuve.
Or, force est de constater que la Direction des affaires civiles et du sceau refuse de nommer les notaires qui ne détiendraient qu’une part minoritaire dans la société dont la nomination est demandée au motif que cette minorité de détention « est incompatible avec l’exigence d’indépendance professionnelle caractéristique des professions libérales, telles que définies à l’article 29* de la loi n°2012-387 du 22 mars relative à la simplification du droit et à l’allègement des démarches administratives. ».
À quel titre une détention capitalistique minoritaire remettrait-elle en cause l’indépendance du notaire ?
Un notaire salarié ne détenant par nature aucun droit de vote ne détiendrait-il donc pas tous les attributs d’un professionnel indépendant ?
La Chancellerie ne confond-elle pas l’indépendance et l’intégrité professionnelle ?
Parmi les notaires nouvellement exerçants, certains d’entre eux se trouvent par les effets de l’horodatage détenteurs d’une part minoritaire. Dans bien des cas ils ont été nommés via une cession de parts très minoritaire. Pour ces professionnels nouvellement nommés en aucun cas la Chancellerie ne s’est opposée. En aurait‑elle la capacité juridique ?
Alors pour contrer le probable refus de nomination par la Chancellerie, il est demandé au futur impétrant de modifier sa détention capitalistique « dans le futur office ». Mais qu’est ce qui l’empêchera, une fois nommé, de procéder à une cession libre entre associés afin de revenir à la situation première rendant ainsi caduque la demande initiale des services des affaires de sceau ?
Parmi toutes ces questions, il est une certitude, cette loterie nationale offrant ici ou là des offices notariaux n’a pas fini de faire couler de l’encre.
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*Article 29 :
I.― Les professions libérales groupent les personnes exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous leur responsabilité, une activité de nature généralement civile ayant pour objet d’assurer, dans l’intérêt du client ou du public, des prestations principalement intellectuelles, techniques ou de soins mises en œuvre au moyen de qualifications professionnelles appropriées et dans le respect de principes éthiques ou d’une déontologie professionnelle, sans préjudice des dispositions législatives applicables aux autres formes de travail indépendant.
II. ― Au début de l’article 10 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés : « Pour l’application des articles L. 223-14 et L. 228-24 du code de commerce et par exception à l’article 1843-4 du code civil, les statuts peuvent, à l’unanimité des associés, fixer les principes et les modalités applicables à la détermination de la valeur des parts sociales. » « Sauf dispositions contraires du décret particulier à chaque profession, la valeur des parts sociales prend en considération une valeur représentative de la clientèle civile. Toutefois, à l’unanimité des associés, les statuts peuvent exclure cette valeur représentative de la clientèle civile de la valorisation des parts sociales. »
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